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Moi, ce que j'en dis...

Un dépôt de gerbe ! Pourquoi ?

18 Août 2018 , Rédigé par Simon Rodier Publié dans #Vie publique, #Convictions, #In memoriam

"Plusieurs d'entre vous m'ont demandé : un dépôt de gerbe, pourquoi déjà ?


J'aurais simplement pu leur répondre qu'il s'agit d'un rituel républicain, ancré dans la plupart des communes du Livradois, depuis bien longtemps.


Dans une société, qui souhaitait alors s'affranchir de la prégnance du fait religieux, le dépôt de gerbe constitua, au début du XXe siècle, une manière de séculariser – à défaut de laïciser – les fêtes patronales.

Jusque là, on s'était contenté d'organiser de pieuses - et d'autres moins pieuses - cérémonies de retrouvailles collectives à un moment de l'année où tout le monde était au pays, et avant que la plupart des hommes ne repartent à la scie, ou sur d'autres chantiers partout en France.

Par la suite, ce parti pris estival fut renforcé par l'apparition puis le développement des congés payés.


Ce ne fut donc pas nécessairement le jour de fête du saint le plus important, ou du plus vénéré, qui fut choisi comme fête patronale.

Saint-Bonnet se fêtant début janvier, les réjouissances s'en seraient d'ailleurs retrouvées bien refroidies.

Mais mon sujet n'étant pas de retracer l'historique des pratiques pieuses, et des piétés pratiques, j'en reviendrais donc en ce début du XXe siècle où, après les tensions liées à l'émancipation de l'Etat de l'Eglise, on voulut valoriser les choses qui liaient plus que celles qui ne séparaient.


Et dans la boue des tranchées, dans la folie des assauts et dans le déluge de feu, ceux qui croyaient en Dieu et ceux qui n'y croyaient pas, n'avaient pas été liés que par la souffrance et l'imbécile - mais nécessaire - obéissance.

Non, ce qui avait permis leur renaissance, ce n'était pas seulement la volonté et l'expérience commune de la peur.


Si, jamais, aucun des poilus ne put vraiment se débarrasser des douleurs du corps et de l'âme, ils firent pourtant le choix de vivre dans un monde qui, souvent, les avait oubliés au front. Et cette envie partagée de vivre, ils la ramenèrent, à l'arrière, dans nos campagnes.


Dans ce cadre, dès 1922, le 11 novembre fut choisi pour honorer et se souvenir des absents, dans une cérémonie qui se déroulait parmi les blessés, les orphelins, les veuves, les gueules cassées, les gazés aux poumons foutus, les mères et les pères sans fils.


Mais ces hommes et ces femmes là, comme tous les rescapés des tranchées avaient également le droit de vivre. Ils voulaient, simplement, sans la honte du survivant, recommencer à sourire. Tous désiraient aussi se rappeler que ce qui unit doit toujours rester plus fort que ce qui sépare.


Alors, à partir de ce moment là, dans toutes les communes de France, pour les fêtes patronales, on ne se contenta plus d'honorer Dieu et ses saints, on voulut aussi rendre hommage aux hommes, à ceux qui avaient vécu et qui laissaient des esseulés, aux survivants aussi, qui s'étaient battus pour tous, et aux vivants enfin, qui venaient, et qui viendraient après eux.


Ce fut pour cela que les Maires de France commencèrent à déposer des gerbes au monument aux morts, y compris dans ces moments de réjouissance que constituent les fêtes patronales.


Pour ce qui concerne Saint-Bonnet-le-Chastel, si nous avons voulu restaurer cette coutume républicaine, à l'occasion des 100 ans de la Grande Guerre, ce n'est certainement pas pour copier les habitudes des autres.


J'ai bien des défauts mais je ne vous aurais pas demandé de venir un dimanche matin par simple conformisme.


En revanche, je crois que tous nous sommes attachés à l'esprit de cette petite cérémonie.


L'an dernier, la gerbe était aux couleurs communes de l'Espagne et de la Catalogne, trois jours après les attentats de la Rambla. Qui se souvient qu'il firent 16 victimes.


Depuis lors a été entamée une nouvelle litanie de victimes que nous n'écoutons plus, quand, du moins, les médias nous la présentent.


Les motifs de deuils succèdent aux tragédies comme autant de ports, étapes sur les rives d'un fleuve.

Libre à chacun de penser que les jours d'aujourd'hui ressemblent aux jours d'hier ! Personnellement, je ne le crois pas. Le fleuve du temps s'écoule en avant ; si, tous le long de son cours, ses berges semblent immuables, elles ne sont jamais totalement les mêmes.

Il y a un siècle, il parcourait des contrées désolées, fleuve de feu et de sang qui ravissaient des fils de Saint-Bonnet à l'affection des leurs.


Nous n'avons pas trop de deux commémorations par an pour évoquer leur mémoire.


Nous étions ensemble en novembre 2017 et nous avons honoré ceux de Verdun.

Alors, si j'ose dire, quoi de neuf sur le front entre novembre 1917 et août 1918.


Le 10 décembre Eugène DERIGOND, soldat au 309e RI tombe à Cartgliano, sur les rives du Brenta, à quelques kilomètres au nord de Padoue, si proche de Venise ;

Le 27 mai 1918, le caporal Pierre VIALLON, né à Fournols mais installé à Saint-Bonnet, disparaît au cours de la bataille d'Arcy-Sainte-Restitue ;

Trois jour plus tard, c'est au tour du canonnier-servant Antonin PISSAVIN, de Riodanges, d'être tué à l'ennemi, à quelques kilomètres de là.

Le 2 juin, c'est dans la Marne, à Courcelles, que meurt le "petit" Marius BRUGIERE.

Le lendemain, Jean-François CELLIER de Pavagnat, ferme ses yeux bleus, tué à l'ennemi au Bois Buchet, dans l'Aisne.

Le 16 juillet c'est à Vienne-la-Ville, dans la Marne, que Jean-Baptiste FENEYROLS, décoré, à 19 ans, de la Croix de guerre, est, lui aussi, tué à l'ennemi.

Le 29 juillet, le jeune notaire Victor CONVERT, rentré au pays mais torturé de douleurs, succombe ; il n'aura pas profité longtemps de sa médaille militaire.

Le 13 août, Paul MAVEL tombe, à son tour, au cours de la bataille entre Gury et Plessier-de-Roye, dans l'Oise


Triste hiver, triste printemps, triste été.

Et nous sommes là aujourd'hui, réunis dans la joie grâce à la mobilisation de chacun, et notamment grâce aux bénévoles de l'Amicale Laïque.


Nous voulons faire la fête.

Mais, comme dans les décennies précédentes, nous ne faisons pas la fête pour oublier le quotidien, nos propres peurs et les misères des autres. Non, si nous faisons la fête c'est justement parce que nous n'oublions ni la fragilité de la vie, ni les sacrifices volontaires – comme celui, en mars, du Colonel Arnaud Beltrame – ou ceux qui ne le furent pas.


En la mémoire de tous ceux qui ont pu périr depuis notre dernier jour du souvenir, simplement parce qu'ils avaient décidé de vivre, et mourir, en harmonie avec leur valeurs ; en l'honneur de tous les vivants qui, notamment dans le cadre associatif, travaillent et agissent, sans renoncer, malgré la solitude de l'action, et bien évidemment, en souvenir de ceux dont j'ai précédemment énuméré les identités, je veux - en votre nom - déposer ces quelques fleurs. "

Il fallu attendre 1962, et ses 67 ans, pour que la République honore de la légion d'honneur le poilu Jean-Baptiste GEROME

Il fallu attendre 1962, et ses 67 ans, pour que la République honore de la légion d'honneur le poilu Jean-Baptiste GEROME

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